Frère Jacques
Quel canon, ce frère Jacques !

Connaissez-vous quelqu’un.e qui ne connaît pas cette chanson ? Personnellement, j’ai l’impression qu’elle existe depuis toujours alors que ce n’est pas le cas.
L’historienne et musicologue Sylvie Bouissou annonce au cours d’un colloque, organisé à Oxford en 1764, autour du compositeur français Jean-Philippe Rameaux, que c’est lui le père de Frère Jacques. Bien qu’il ne semble pas exister de partition signée, des éléments concordants et plus que plausibles ont permis à Sylvie Bouissou d’établir cette filiation. En particulier, Jean-Philippe Rameau était un grand spécialiste des « canons ».
En suivant cette théorie de filiation, j’ai pu aussi apprendre que les paroles que je connaissais de la berceuse n’étaient pas celles écrites par Jean-Philippe Rameau. Je vous livre ici quelques indications à ce sujet. Les paroles originales de la chanson font référence aux matines, première prière de la journée liturgique, pour lesquelles un moine devait sonner les cloches en milieu ou en fin de nuit. Les paroles françaises que je connais sont les suivantes :
Frère Jacques, (x2) Dormez-vous ? (x2) Sonnez les matines ! (x2) Ding, daing, dong ! (x2)
Jean-Philippe Rameau, lui, aurait écrit :
Frère Jacques, (x2) Levez-vous ! (x2) Sonnez les matines ! (x2) Ding, daing, dong ! (x2)
Ce petit canon de Jean-Philippe Rameau n’a cessé d’inspirer. Cette découverte m’avait aussi frappée. On croise cette mélodie chez Gustav Mahler dans le troisième mouvement de sa première symphonie, sous le titre de Bruder Martin mais dans le mode mineur (Ré mineur pour être plus précise). La chanteuse Zazie nous en a aussi proposée une version dans son album Totem. Mais Frère Jacques serait aussi un motif récurrent, décliné au couleurs rock’n’roll, dans Serafino campanaro, titre enregistré par Mina Mazzini (alias Mina) en 1960. Il semblerait que si l’on écoute attentivement Paperback Writer, on puisse remarquer que John Lennon et George Harrison chantent Frère Jacques en arrière-plan durant les derniers couplets. Enfin, le thème de Frère Jacques aurait été utilisé par Sly and the Family Stone pour l’ouverture et la fermeture de la chanson Underdog sur leur premier album A Whole New Thing.
J’espère que cette chronique vous aura plu et je me réjouis de vous en écrire d’autres bien vite.
Merci de m’avoir lue !
Mes sources
Serafino Campanaro – Mina
Underdog – Sly & the family stone (très claire reprise de la mélodie de Frère Jacques en ouverture et fermeture de la chanson)
Paperback Writer – The Beatles (prêtez attention aux chœurs à partir du second couplet, on retrouve la mélodie au ralenti de la première phrase de Frère Jacques)
Extrait de la Symphonie N°1 de Gustav Mahler (mouvement III à V) – L’Orchestre de Paris est ici dirigé par le chef Christoph Eschenbach
Crédit d'illustrations
À gauche, publicité pour les alcools de menthe Ricqlès et à droite Vieilles Chansons pour les Petits Enfants: Avec Accompagnements, Widor, Charles Marie, 1844-1937 (book text), Louis-Maurice Boutet de Monvel,1855-1913 (illustration)