Hoka Hey !

« Ramener dans mon cœur l’indien que les blancs ont tué ?»

— Neyef, Hoka Hey

 

     La chronique ne connaît pas de limite. Aujourd’hui je vais vous présenter une bande dessinée que j’ai lue récemment.

     Dans le cadre du prix de la BD organisé par le réseau de médiathèques auquel appartient celle de mon village, j’ai pu découvrir Hoka Hey. J’ai réalisé il y a peu de temps que j’aime bien le genre western. J’ai adoré lire et regarder The Sisters brothers ces dernières années. Mais j’ai commencé il y a plus de dix ans à regarder les western de Clint Eastwood. Ah non, pardon. Tout a commencé, il y a encore plus longtemps, quand je dévorais les Lucky Luke de mes oncles et tantes.

     Jusqu’à présent, dans ce genre, j’ai surtout été exposée à un point de vue « américain » par opposition à « amérindien ». Qu’il s’agisse d’un shérif, d’un chasseur de primes, de renégats ou même le western au féminin avec La Venin. La première modernité de Hoka Hey réside dans le fait que le point de vue est indien. Et, bien que non-spécialiste, je trouve qu’il manque au paysage dans le monde du western. Ensuite, on mélange cet aspect avec celui plus classique pour le western de personnages sortis des rangs.

     Hoka Hey raconte la rencontre entre un trio composé par un indien en mal de vengeance personnelle, Little Knife, accompagné par une indienne devenue paria, No-Moon et un irlandais, Sully, ayant choisi de vivre en marginal plutôt qu’en opprimé de la minorité dont il est issu, avec Georges. Georges est un métis – mi-blanc, mi-indien – et il vit dans une réserve indienne, où il a été massivement acculturé afin d’apprendre à vivre en harmonie avec la nation américaine – les colons oppressants -, d’origine européenne pour bon nombre d’entre eux. Georges est orphelin, élevé par le pasteur de sa réserve, ancien indien lui-même, et il n’a jamais connu sa tribu, les Lakota.

     Lorsque Little Knife surgit dans la vie de Georges, alors qu’il suit la piste de son père dont il souhaite se venger, il crée un bain de sang en un éclair. Il hésite à tuer Georges pour qu’il ne reste aucun témoin mais No-Moon s’interpose. C’est un nouveau départ pour le trio comme pour Georges, qui n’a pas idée de ce qui l’attend et du caractère déterminant de cette rencontre pour sa vie future, sa vie d’adulte. La suite est à découvrir par la lecture de ce chef d’œuvre.

     Au-delà du choix du point de vue indien, cette bande dessinée m’a énormément plu par sa composition. Je l’ai trouvée cinématographique. Les vignettes « descriptives » des grands espaces soutenaient et encourageaient complètement mon imagination. Je m’y voyais, sans pour autant y être. Le traitement de la couleur, de la lumière et des ombres, choisi par Neyef, est superbe. La lumière était naturellement poétique alors qu’elle n’est qu’une représentation sur papier dans le cas présent. Le quatuor de personnages est très attachant également. Tout n’est pas tout noir ou tout blanc et ne saurait l’être. Mais la diversité des personnages, de leurs origines, de leurs blessures individuelles et finalement le lien qui les unit nous rendent l’histoire vraiment humaine. Neyef a d’ailleurs su communiquer les émotions de chacun avec beaucoup de justesse. Enfin, ce que je trouve remarquable dans cet ouvrage, c’est qu’on évoque les guerres indiennes du point de vue indien et les plaies profondes qu’elles ont laissé sur plusieurs générations.

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