À la ligne – Feuillets d’usine
« Tant qu’il y aura des missions d’intérim
Ce n’est pas encore le point final
Il faudra y retourner
À la ligne »
— Joseph Ponthus
Il y a des livres sur lesquels on ne saurait s’épancher trop longuement sans courir le risque de perdre de vue l’essentiel, le noyau pur à partager ou mettre en avant. Il y a des livres qui n’appellent aucun artifice pour exister. Ces livres sont là et ils ne prétendent rien. Il n’y a que nous, lecteurs, qui pouvons les voir, les ressentir, les transmettre, les raconter. Il n’y a que nous, lecteurs, qui pouvons constituer leur voix.
À la ligne – Feuillets d’usine appartient à ces livres-ci. C’est un agréable libraire indépendant que je sollicitais pour de la lecture légère, la moins noire possible, la moins énergivore possible, qui me l’a proposé et ce choix fut définitivement un très bon choix. J’aime les libraires, les bibliothécaires, les amoureux de la lecture, rien que pour ce type d’expérience-là, celle où on nous emmène ailleurs.
Recueil, roman, témoignage, ce livre est bien difficile à ranger dans la moindre catégorie. Il combine des éléments de plusieurs d’entre elles. Moi, je l’ai vécu comme un recueil de chroniques en vers sur la condition ouvrière. J’y ai découvert une expérience de la production à la chaîne. J’ai trouvé que l’écriture était audacieusement simple et formidablement mélodieuse. Alors oui, les codes typographiques sont bousculés, les codes des genres (la prose, la poésie) aussi. Mais quelle musique ! En voilà un livre qui se dit, qui devrait faire l’objet de la moindre initiative de lecture publique pour tout public à partir du collège. Quelle est belle la différence qu’incarne ce livre ! Quel support pédagogique il pourrait faire !
Comme je l’écrivais il y a quelques lignes, ce livre est de ceux dont on ne doit pas parler en en faisant trop car on risquerait tant d’en perdre le cœur en route. Je vous laisse donc avec quelques citations supplémentaires de ce magnifique ouvrage, primé par les lycéens pour la sélection 2021|2022. N’hésitez plus, laissez-vous emmener dans sa ritournelle …
« La débauche
Quel joli mot
Qu’on n’utilise plus trop sinon au sens figuré
Mais comprendre dans son corps
Viscéralement
Ce qu’est la débauche
Et ce besoin de se lâcher se vider se doucher
pour se laver des écailles de poissons mais
l’effort que ça coûte de se lever pour aller à la douche
quand tu es enfin assis dans le jardin après huit heures de ligne
L’autre jour à la pause j’entends une ouvrière dire à un de ses collègues
« Tu te rends compte aujourd’hui c’est tellement speed que j’ai même pas le temps de chanter »
Je crois que c’est une des phrases les plus belles
les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière »
Bonne lecture !
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