On était des loups
« Le loup lui il chante c’est très différent, ce n’est pas gueuler pour gueuler, il y met du cœur et des intonations surtout quand ils sont plusieurs ça me donne des frissons et je n’ai qu’une envie c’est faire partie de la meute, ça vient de loin à l’intérieur de moi. »
— Sandrine Collette
Dans mon petit village d’Ille-et-Vilaine, je redécouvre les joies de la bibliothèque. Cela fait quinze mois à peine que je suis tombée dans la catégorie ex-expat. J’ai toujours été urbaine, maintenant je suis en campagne, et avec ce changement d’environnement, vient un nouveau départ en termes de socialisation. Il faut tout recommencer à zéro, sans crainte, sans flemme, pour tenir le plus loin possible de soi un isolement rôdant facilement autour. Drôle de coïncidence ou pas, le bibliothécaire de ma commune a changé aussi. Ce nouveau bibliothécaire est plein d’idées pour dynamiser ce lieu de rencontres qu’est la bibliothèque de notre commune et cela vient parfaitement répondre à mes besoins et mes envies de reconnexion avec les activités que j’aime et qui me font du bien. Ainsi va la vie et me voilà embarquée dans ma première expérience de club de lecture autour de la rentrée littéraire de 2022.
Je ne connaissais pas Sandrine Collette et vous comprendrez vite pourquoi il serait intéressant de lire au moins un deuxième ouvrage de cette auteure. Mais mon bibliothécaire, très à l’écoute de mes envies et surtout de ce que je cherchais à éviter, me proposa de participer à la rentrée littéraire en lisant On était des loups, le dernier roman de Sandrine Collette. Voici ce que je vous en dirais si vous m’interrogiez sur ce livre.
Ce livre est un livre où le lecteur est en immersion totale dans les pensées du narrateur. Il est rythmé et il faut peut-être un temps d’adaptation à l’usage particulier qui y est fait de la ponctuation. Cet aspect-là peut vraiment gêner la lecture, mais si on est motivé comme je l’étais, on parvient à se laisser embarquer. D’ailleurs c’est un beau message que délivrait l’éditrice indépendante, Marjolaine Cirulnik, de chez Blobeditions, dans sa newsletter d’aujourd’hui. Parfois, il y a des conventions d’écriture qui desservent le propos et il devient alors logique, porteur de sens, incontournable de transgresser ces règles.
De quoi parle-t-on dans On était des loups ? On aborde la transformation intérieure d’un parent, suite au décès tragique et accidentel de l’autre parent. Le quotidien de ce couple ne ressemble pas à celui commun de nombreux couples. Il ne s’agit pas d’un métro-boulot-dodo et pourtant c’est exactement ce dont il s’agit aussi. Notre narrateur, à la suite de la mort soudaine de sa conjointe, est en proie à une sombre descente aux enfers. Que vais-je devenir maintenant que mon binôme a disparu ?
D’abord dans un déni fort de la responsabilité à endosser, il a un plan pour que son fils survive sans sa mère. Mais la vie n’adhère pas à son plan et trois grandes épreuves vont se présenter à lui. Elles lui permettront de passer d’incapable à responsable. Son déni se déchire avec une brutalité presque inconcevable parfois. Tout en animalité et en instinct, le narrateur finit par devenir LE parent.
Comme j’aime garder des souvenirs de tout et de rien, je me suis mise à chercher des citations à garder de mes lectures. Il y a des livres pour lesquels je n’ai pas gardé de citations en particulier. Mais je pense que dans l’ensemble, ce ne sera pas un problème. Aussi vous laissé-je avec quelques citations de ce livre fort, que nous a offert Sandrine Collette en cette rentrée littéraire 2022.
« Elle sait que je l’aime même si je ne le regarde plus dormir je l’aime de loin. Je l’aime d’un regard et puis c’est bon.
Il est là mais il pourrait aussi bien ne pas y être tellement il ne fait pas de bruit. Il aurait pu être un renard ou un lynx et ne laisser aucune trace même dans les courants d’air.
C’est le jour où elle est morte que le monde sans quelqu’un pour qui on donnerait tout c’est l’enfer, et pour moi l’enfer c’est quand il n’y a plus de sens, où que tu ailles ça sonne creux.
C’est plutôt la fascination du marin quand le chant des sirènes résonne sur la mer, quelque chose d’irrépressible qui vrille au fond de nos ventres et vient chercher comme une vieille connivence oubliée du temps où l’univers était une sorte de fusion, j’ai du mal à expliquer pourtant en ce temps-là je crois qu’il n’y avait pas ces haines et ces peurs, en ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes ça ne faisait pas de différence on était le monde. Le chant des loups nous appelle parce que c’est notre chant et aussi loin qu’on puisse remonter il y a l’éclat d’un animal en nous, c’est pour ça que ça m’émeut et que des larmes viennent brûler le bas de mes yeux. Ce n’est pas du chagrin c’est une émotion profonde viscérale racinaire et ceux qui ne ressentent pas ça ils ont tout oublié, ce sont des gens déjà morts. »
Bonne lecture !
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